François Arnaud, “Friedrich der Beschützer und Liebenswürdige, besungen den 24 jenner 1759, von Anna-Louise Karschin. Frederic le Défenseur & l’Aimable; chanté le 24 janvier 1759, par Anne Louise Karschin.”

Prefacing a French translation of a German ode extemporized by Karsch, Arnaud notes that Karsch’s poetic talent reminds him of Plato’s and Aristotle’s theories of poetry and enthusiasm. He distinguishes Karsch from other improvisers of poetry by her ability to deliver powerful performances without music.

Performer Name:
Anna Louisa Karsch
Performance Venue:
 
Performance Date:
24 January 1759
Author:
Arnaud, François
Date Written:
 
Language:
French
Publication Title:
Journal Étranger
Article Title:
Friedrich der Beschützer und Liebenswürdige, besungen den 24 jenner 1759, von Anna-Louise Karschin. Frederic le Défenseur & l’Aimable; chanté le 24 janvier 1759, par Anne Louise Karschin.
Page Numbers:
180-90
Additional Info:
 
Publisher:
 
Place of Publication:
Paris
Date Published:
1762

Text:

[180] Cette femme extraordinaire nous rappelle les idées des Anciens touchant l'enthousiasme ou la fureur poétique. Platon distingue deux sortes de fureurs. 'L'une, dit-il, ravale l'homme au-dessous de la brute, l'autre l'éleve au-dessus de l'humanité & le divinise en quelque sorte; & telle est la fureur qui fait les Poëtes: si votre ame n'en a pas éprouvé les accès, c'est en vain que vous frapperez à la porte du temple de la Poésie. Les Corybantes ne dansent pas de sens froid, & le Poëte ne peut chanter s'il n'est inspiré, agité, transporté hors de lui même'. C'est à ce sujet que, pour faire sentir combien [181] les Poëtes, ces tyrans des passions humaines, sont tyrannisés eux-mêmes, ce Philosophe nous représente la multitude entraînée par le Poëte, & le Poëte entraîné par une force supérieure & divine, sous l'image d'une chaîne aimantée, dont les anneaux attirés les uns par les autres, sont tous suspendus à la divinité.

Aristote regarde aussi la Poésie comme fille de l'enthousiasme; mais pour rendre raison de la fureur poétique, il n'a pas recours à la divinité, il en trouve la cause ou le germe dans le tempérament mélancholique. Il semble en effet que les personnes de cette complexion ayent plus de sensibilité & de ressort que le reste des hommes: leur ame souple & mobile se prête à toutes les manieres d'être morales; leur imagination tendre, brillante & active embellit, anime & passionne tous les êtres; la réflexion les tyrannise, elle semble leur ôter l'usage des sens & se peint sur leur visage, sous les traits de la plus profonde tristesse, & c'est alors même qu'elles jouissent de la plus grande existence & qu'elles sont prêtes à la commuinquer à tout [182] ce qui les environne; leur pénétration est extrême, elles devinent en quelque sorte ce qu'elles ne savent pas; tout les frappe, tout les affecte: aussi s'expriment-elles avec chaleur, avec facilité & souvent avec un bonheur qui n'arriveroit pas aux personnes profondément versées dans les objets dont celles-ci ont à peine quelque connoissance.

Cette organisation, commune dans les pays chauds, y étoit autrefois extrêmement exercée, particulierement chez les Grecs, où les jeux, les spectacles, les fêtes, les cérémonies religieuses frappoient sans cesse les sens & l'imagination; qu'on ajoute à cela la commodité de la langue poétique de ce peuple, & l'on concevra sans peine tout ce que Platon, Aristote, Strabon, Plutarque, Longin ont dit de l'enthousiasme & de ses effets: aujourd'hui même en Italie, dont le climat differe peu de celui de la Grece & où l'instrument poétique est souple, libre & facile, on voit des personnes de tout sexe qui sur le champ composent des odes & des poëmes de très-longue haleine. Mais ce que notre [183] Femme Poëte offre de singulier, c'est qu'en Italie, comme autrefois chez les Grecs, le génie des Improvisateurs est tellement attaché à leurs instrumens de musique, qu'il ne leur seroit pas possible d'exalter leur imagination & d'entrer dans l'enthousiasme, sans le secours des sons & du chant; au lieu que l'Improvisatrice de Magdebourg trouve dans elle-même tout le ressort dont elle a besoin pour enflammer ses esprits & élever son ame. Il y a plus: son enthousiasme semble moins l'agiter qu'il ne l'éclaire; du moins sa contenance & ses traits n'ont rien qui se ressente de la violence & de l'agitation.

MM. Gleim & Sulzer préparent une édition de ses poésies, qu'ils ne tarderont pas de publier; en attendant, nous offrons à nos Lecteurs l'ode suivante où parmi des idées assez communes, se trouvent des images grandes, sublimes & vraiment poétiques.

[Prose translations follow of “Friedrich der Beschützer und Liebenswürdige” and “Fragmens de l’Ode sur la bataille de Torgau”]

Notes:

February 1762 issue; a translation and commentary on two odes extemporized by Karsch in 1759-1760.

Collected by:
AE