“Poesie” (Journal Étranger)

Improvisation is described as an unstudied and spontaneous art, a form of inspiration. Much of the article is devoted to an account of the talents of Corilla Olimpica, whose improvisation is posited as a perfect unification of art and nature.

Performer Name:
Corilla; Rolli; Zucco; Luchi
Performance Venue:
 
Performance Date:
 
Author:
 
Date Written:
 
Language:
French
Publication Title:
Journal Étranger
Article Title:
Poesie
Page Numbers:
28-31
Additional Info:
 
Publisher:
 
Place of Publication:
 
Date Published:
1757

Text:

[28] […] je veux vous parler d'une espece singuliere de Poëtes, qui tiennent tout de la nature, & ne doivent rien à l'étude: ce sont ceux que nous appellons en Italie, gl'improvisatori, les Poëtes à l'impromptu. Versifier [29] à l'impromptu, all'improviso, n'est autre chose que faire des vers sur le champ, & les débiter tout-à-coup, comme par une espece d'inspiration. Toutes les Nations ont eu de ces sortes de Poëtes, & les premiers vers sont nés sans travail. La Gréce a produit un Philoxène à Cithére, un Maracus & un Carmus à Syracuse, & un Diogene à Tarse. Cette Ville avoit même une Académie où l'on s'exerçoit à ce genre d'escrime. Chez les Romains, Archias de Tarente si bien célébré par Cicéron, & Fannius Palemon se firent un nom à composer & reciter des vers sur deux pieds, comme disoient les Latins, c'est-à-dire, sans préparation, & sans changer de place. L'Italie devoit par l'harmonie & la douceur de sa langue, surpasser toutes les autres Nations dans cette carriére. Chaque Ville de ses Etats a fait ses preuves de mérite & de talent à cet égard. Mais on diroit que le Dieu des vers aime à répandre ses plus vives influences sur la Toscane. C'est-là que les graces enseignent l'élégance & l'aménité du langage. Un Poëte Lombard, Napolitain, ou Sicilien, n'aura jamais l'avantage d'un Poëte Toscan. Que celui-ci écrive, ou qu'il parle, c'est un homme divin. Par-[30]mi les Poëtes inspirés, les plus fameux qui vivent encore, sont M. Paul Rolli, connu même au delà des Alpes, par des Poësies imprimées; le P. Marc Antoine Zucco, Religieux Olivétain, qui fait des vers sur les matiéres les plus abstraites de la Philosophie, avec plus de facilité qu'on n'en parle communément; & le P. Dominque Luchi de Pavie, admiré par tous ceux qui l'ont entendu, comme un prodige de la nature. On doit mettre au même rang, Madame Morelli de Pistoie. Son talent singulier pour la Poësie, lui mérita dès l'enfance la protection de la Princesse de Colotrano, qui l'amena à Naples. Elle y trouva des admirateurs, & un homme de distinction pour époux. Elle est actuellement à Rome, où tous les Gens de Lettres lui font une cour assidue, pour avoir le plaisir de l'entendre. Nos Prélats eux-mêmes vont écouter ses vers avec plus d'empressement qu'on ne court à leurs sermons. C'est un charme de la voir au milieu de la plus brillante assemblée, réciter avec une grace infinie les vers les plus heureux sur tous les sujets qu'on lui propose. Des Poëtes du pays, entr'autres M. l'Abbé Golt, & M. l'Abbé Versari ont voulu entrer en [31] lice avec elle; mais dès qu'une fois l'enthousiasme poëtique l'avoit échauffée, vous l'eussiez vue s'élancer comme un torrent, entraîner tous les esprits par l'abondance & la rapidité de sa verve, & laisser ses rivaux dans l'étonnement & la confusion. Le prodige est au point qu'on croiroit, à l'entendre sans la voir, ou qu'elle lit un livre, ou qu'elle répéte des morceaux appris à loisir. Ce talent naturel se trouve encore cultivé chez elle, par l'usage du grand monde & la société des Sçavans. Elle réunit ainsi dans un heureux accord, la culture de l'art à la richesse de la nature. Mais si nous avons des Poëtes d'instincts, nous ne manquons pas de rimeurs sans génie, & si ceux-là sont heureusement maîtrisés par la nature, ceux-ci tentent envain de la forcer.

Notes:

April 1757. Part of section "Italie" – Lettre d'un correspondant d'Italie. De Rome.

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DP